Lorsqu’on est trop fatigué pour entretenir sa maison, on la quitte, on n’emporte rien, ou juste ce qu’il faut : un lit, une chaise, une table. Aussi ses photos, sa lampe de chevet et ses poupées. Quand Mémé a emménagé, elle a apporté tout ça. Les résidents du foyer Jean-Lebas sont devenus ses voisins, ses camarades, ses amis. Je croisais Mémé souvent. Je l’ai photographiée au repas de Noël. Et Pépé est mort. Et Mémé est morte. Et on n’a pas fêté Noël. Jean-Lebas, c’est mon lien à moi avec Mémé. La présence, puis l’absence, c’est difficile et c’est beau. C’est exactement pour ça que je suis revenu.
À Pépé Charles qui ne se rappelle pas. "Ce chant si doux là-bas me rappelle mes nuits de rêve calmes et belles, où j’évoquais fervent et fidèle, sans vous connaître vos yeux caressants. Vous habitiez dans un grand village, et chaque soir tremblant davantage, je vous tenais déjà ce langage, qui finissait en vous embrassant. Bei mir bist du schön, cela signifie : vous êtes pour moi plus que la vie Bei mir bist du schön veut dire en amour : vous êtes plus belle que le jour. Je dirais : bella, bella, si j’ étais d’Italie, mais rien ne dit assez combien vous êtes jolie. Si vous comprenez : bei mir bist du schön, alors dites-moi vous m’aimez !"" Reprise de ""Bei Mir Bist Du Shein" par Léo Marjane (1938).
Bretagne, bord de mer.
« Ma grand-mère est morte ici, ma mère est morte ici. Ménétréol, c’est là où je dois mourir ». Mémé, elle ne voulait pas partir. Et puis elle est devenue une mémé plus vieille. Quand on vieillit, on devient sage. Et Mémé a changé d’avis. « Cette nuit, j’ai rêvé d’un carré toute la nuit ». Alors on a emmené Mémé avec nous.
Ménétréol-sous-Sancerre, Cher. Quand Mémé vivait, c’était là. C’était bien. Quand Mémé est partie, c’était dur. Et le village est mort aussi.
Parce que le terrain est vendu, Parce que nous n’irons plus. Portraits de vos vies.
On voit souvent, au fond des bistrots, une table toujours vide. C’est une table usée devant laquelle on ne trouve qu’une chaise. Si l’on tente de s’y asseoir, on nous invite à changer, c’est une table réservée. Un client vient s’y asseoir. Il n’a pas besoin de commander. Ce client est un habitué. Il vient ici tous les jours, depuis toujours. Tout le monde l’a vu sans le connaître. Emblématique, trop seul, il recherche le lien social qu’il a égaré. Bravé la solitude, et passer le temps. Avant tout, se ressaisir du monde, laisser une trace, être écouté. Pour que la table réservée lui survive.
Quand tu regarderas le ciel, la nuit, puisque j’habiterai dans l’une d’elles, puisque je rirai dans l’une d’elles, alors ce sera pour toi comme si riaient toutes les étoiles. Tu auras, toi, des étoiles qui savent rire ! Et quand tu seras consolé tu seras content de m’avoir connu.
Le lycée hôtelier Belliard, situé dans le 18ème arrondissement de Paris, forme les futurs professionnels de la table. Dans la plus grande discipline, chacun prend son poste en salle ou en cuisine pour que les plats soient servis à midi. Les enseignants donnent leurs derniers conseils. Tout doit être impeccable. Les étudiants ajustent leurs tenues, dressent les tables. Tout est prêt. À table.
Depuis 1946, les Petits Frères des Pauvres accompagnent des personnes âgées, isolées, souffrant de la solitude et de l’oubli. Au Chanoinesse, les bénévoles s’affèrent autour des tables : pour quelques heures, chacun va oublier qu’il est souvent trop seul.
Georgette, c’est une grande-tante magique. Elle soigne les oiseaux tombés du nid. Les chats. Parfois, elle sauve une araignée des coups de balais de nos mères, de nos grand-mères, et des autres. Georgette, elle a un cœur gros comme ça. Toute sa vie à s'occuper des autres. Georgette c’est une aventurière, une photographe. C’est l’héroïne de mon enfance. Mon amour. Pour tout ça, pour la remercier, j’ai emmené Georgette au studio.
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